En 1960, les Premières Nations du Canada ont enfin obtenu le droit de vote sans devoir renoncer à leur statut d’Indien. Ce moment, il y a à peine 65 ans, a marqué un tournant dans notre relation politique avec l’État. Aujourd’hui, lors des élections fédérales de 2025, nous voyons le fruit de cette longue lutte pour la participation. Partout au pays, des candidats autochtones, des Premières Nations, Métis et Inuits, se présentent sous la bannière de tous les grands partis politiques. Ce n’est pas un simple geste symbolique ; c’est le signe d’une maturité démocratique et un appel à une inclusion réelle.
Quand je regarde cette liste grandissante de candidats, je ressens de la fierté. Mais je pense aussi à mon propre parcours en tant que député. J’aimais interagir avec le public, surtout en ligne. Certains politiciens évitent les sections de commentaires — moi, jamais. J’aimais le débat, la rudesse du monde politique. Je gardais ma page Facebook exempte de propos haineux, mais j’acceptais les questions difficiles et le dialogue honnête. Sur Twitter récemment (et oui, ce sera toujours Twitter pour moi, pas « X »), j’ai lu un commentaire qui m’a marqué : « Pourquoi un membre des Premières Nations serait-il dans le Parti conservateur ? Traîtres. » Ce mot, traîtres, m’a frappé.
Sommes-nous vraiment aussi uniformes pour nous attendre à ce que tous les Autochtones pensent, ressentent et votent de la même façon ? Nous ne sommes pas un bloc homogène. Nous sommes des traditionalistes et des chrétiens, urbains et ruraux, issus des réserves et des villes. Certains ont des liens profonds avec la terre ; d’autres sont en train de renouer avec leurs racines. Certains parlent couramment leur langue ; d’autres la réapprennent. Certains ont un emploi, d’autres non. Nous avons de petites et de grandes familles. Nous parlons différentes langues, venons de différentes Nations. Pourquoi devrions-nous tous voter de la même manière ?
J’ai toujours cru que, lorsqu’une porte est fermée pour élaborer les politiques, il vaut mieux être à l’intérieur de la pièce, même s’il faut se battre pour être entendu. C’est pourquoi je détestais lorsque le Cabinet du Premier ministre Justin Trudeau prenait des décisions concernant les communautés autochtones sans même consulter le caucus autochtone. Cela me paraissait irrespectueux. Nous méritions, au minimum, une conversation. Et si une décision ne me convenait pas, je le disais. Je forçais la discussion avant que la politique ne soit finalisée. C’était ma façon de faire : m’approcher de la ligne, sans jamais la franchir.
Les élections fédérales de 2025 offrent une nouvelle génération de leaders autochtones qui font exactement cela, entrer dans les salles où les décisions sont prises. Après avoir consulté les données de IndigenousRockTheVote.ca et les avoir comparées à celles de 2021, certaines tendances importantes se dessinent. En 2021, après avoir exclu les candidats du Parti vert et du PPC, et inclus un député du Bloc Québécois issu des Premières Nations, on comptait 47 candidats autochtones en 2021. Parmi eux, 10 ont été élus : 5 Métis, 4 Premières Nations et 1 Inuit.
En 2025, ce nombre est passé à 32 candidats autochtones dans les quatre grands partis. Le NPD mène avec 13 candidats autochtones, suivi des libéraux avec 12, des conservateurs avec 6, et du Bloc avec 1. Par identité, on compte 17 candidats des Premières Nations, 11 Métis et 4 Inuits.
Bien que le nombre total de candidats autochtones ait diminué par rapport à 2021, leur répartition entre les partis reste remarquable. Le Parti conservateur, par exemple, présente plus de candidats autochtones qu’à toute autre élection précédente. Et cela compte. Notre présence dans chaque parti remet en question l’idée trop répandue selon laquelle les Autochtones devraient tous partager une même idéologie. Cela démontre que nous pouvons être partout et que nous avons tout à fait le droit d’y être.
Il est important de souligner que la compilation de ces données a été particulièrement difficile cette année. Autrefois, les partis politiques déclaraient ouvertement qui parmi leurs candidats était autochtone. En 2025, en raison d’un certain malaise « anti-woke » ou d’un sentiment croissant contre la publication de cette information, aucun parti ne diffuse ces données de façon officielle. Il faut donc procéder minutieusement, en consultant un à un les sites web des candidats. C’est un travail long, mais essentiel pour rendre visibles les voix autochtones dans notre démocratie.
Je pense qu’il est bon de voir un grand nombre de candidats autochtones se présenter à une charge publique avec, espérons-le, de solides chances de succès. Car si nous ne sommes pas assis à la table, les décisions seront tout de même prises, simplement sans nous. Le vote n’est pas le seul moyen de transformer ce pays, mais il reste l’un des plus puissants. Et lorsque nous nous présentons, parlons et dirigeons, nous ne faisons pas que revendiquer notre place, nous élargissons les possibles pour tout le monde.
Ça monte, ça baisse, les vents de Kewatinook,
Les noms vont, puis partent, mais la marche est en boucle.
Chaque pas, chaque voix, une force qu’on dépose,
Pour briser le silence derrière la porte close.